Mademoiselle,
Les deux explications (renforcement ou dérivatif) ne sont pas nécessairement mutuellement exclusives (ça peut aller dans un sens comme dans l'autre, tout dépend des circonstances). Vous avez donc bien compris. Je distinguerais :
- la dangerosité objective "mesurable" d'un support comme un film
- le rapport entre le sujet qui regarde et l'objet regardé, on parlerait alors de relation pathologique entre les deux. Ce niveau ne me paraît pas mesurable, du moins il est plus complexe à décoder.
Par exemple, on dit des jeux vidéos qu'ils entrainent la violence des ados, dans un schéma causaliste simpliste (ce que je crois faux). On dit aussi, en revanche, que ces jeux permettent aux ados de développer des compétences motrices exceptionnelles (s'exerçant habillement aux manettes). Enfin, on dit qu'ils permettent aux ados de libérer leur violence (on parle techniquement d'effet cathartique ou de catharsis). Il faut bien évidemment distinguer l'image violente télévisuelle des scènes violentes des jeux vidéo, ce n'est pas la même chose (je vous donne ci-dessous des références sur les jeux que je connais mieux).
Pour mesurer la violence du support, on la définit expérimentalement en fonction de certaines variables (ex : présence d'hémoglobine, nombre d'images violentes, ...) mais elle reste difficile à évaluer.
Pour ma part, j'évite de diaboliser (d'intentionnaliser négativement si vous voulez) un support (comme on le fait régulièrement avec la pornographie en la mettant en cause) mais de voir quelle est la relation d'une personne avec celui-ci : l'ado ne fait-il que jouer? Le jour, la nuit? A quels jeux joue-t-il (aventure, combat, ...) ? Joue-t-il seul et/ou avec d'autres? Toutes ces questions sont aussi concrètes qu'essentielles dans ma pratique clinique.
Il me semble aussi important de préciser que lorsque vous regardez SAW, il vous arrive d'avoir peur. Or vous savez que c'est une fiction cinématographique... que ce n'est pas la réalité mais un film. Cela veut donc dire que nous projettons sur le support une valeur de vérité, d'authenticité, de réalité et de plausibilité qu'il n'a pas. Nous y croyons sans y croire, cela nous renvoie à la complexité de l'être humain. Nous aimons avoir peur (on appelle cela l'érotisation de l'angoisse) et nous faire peur. Nous pouvons ainsi projeter notre propre destructivité et violence sur l'objet, sur la toile, sur l'écran, que nous regardons. Ainsi, nous rendons le film pleinement responsable de choses que nous ne voyions plus en nous... Cela demanderait du temps pour vous répondre plus rigoureusement.
Il existe une abondante littérature sur ces questions, tout dépend précisément de ce que vous visez. L'important est de savoir que le "support violent" pour venir confirmer ou infirmer un projet meurtrier en lui donnant plus d'assurance ou de résistance.
Vous pouvez consulter :
TISSERON S. « Quand les jeux vidéo apprennent le monde de demain », Qui a encore peur des jeux vidéo ? Médiamorphose n°8,2001
TISSERON S, MISSONNIER, STORA. L'enfant au risque du virtuel, Dunod.
Sur la violence pornographique chez les ados : BONNET G. Défi à la pudeur.
ainsi que des propos de Serge Tisseron sur les liens suivants :
http://www.guichetdusavoir.org/ipb/index.php?showtopic=26463http://www.carnetpsy.com/Archives/Dossiers/Items/LesJeuxVideos/p1.htmBon blocus et bonnes fêtes,
C.A.