Dans la quatrième étape de l’ouvrage « Modèle éthologique et criminologie », C. Debuyst tire ses matériaux de la psychologie sociale et des relations entre groupes d’appartenance. Lorsqu’un individu appartient à un groupe, il tend à voir les autres de ce groupe comme des semblables. Dans le groupe, on va gommer les différences interindividuelles et ses membres vont se définir comme radicalement différents des individus d’un autre groupe considéré comme étranger (accentuation des différences intergroupes). Par exemple, dans fil de cette hypothèse, les criminologues de l’ULB ne partagent aucune caractéristique avec les criminologues de l’UCL : l'on a affaire à deux groupes étrangers l'un à l'autre. Cette création d’un « ennemi étranger » permet de renforcer la cohésion du groupe mais elle est toujours fictive car elle ne supprime pas les différences, elle les masque ! C'est aussi ce qu'on peut appeler la fiction du consensus.
La question qui m’a été adressée lors du cours est la suivante : est-ce que la mise en présence de ce groupe étranger peut révéler des différences interindividuelles dans le groupe d’appartenance ? Autrement dit, est-ce que la présence des criminologues de l’UCL peut révéler des différences dans le groupe des criminologues de l’ULB. Bonne question ! Il s'agit en fait du phénomène inverse à celui présenté au cours : lorsqu’on est mis en face d’un autre groupe, les différences dans le groupe d’appartenance peuvent se marquer et réapparaître. Plutôt que de faire « bloc », on commence à s’entredéchirer. Les liens "fratricides" ou de rivalité , si l'on veut, redeviennent opérants et occupent l'avant-plan de la vie du groupe.
On observe aussi un autre phénomène où ces processus jouent non seulement de manière inter-groupale (entre deux groupes d’appartenance distincts) mais intra-groupale (à l’intérieur d’un groupe d’appartenance donné). Le phénomène est appelé « Black Sheep Effect» ou « effet brebis galeuse » : un membre du groupe d’appartenance est « attaqué » par les autres (rejeté, stigmatisé) pour renforcer la cohésion du groupe d’appartenance où les différences et les rivalités internes refont surface et menacent le groupe de se déstructurer. Quand la fiction de l’ « être ensemble » – c’est toujours une fiction que de former un groupe uni, une espèce de mythe comme lorsqu’on parle de « famille unie »…on sait bien qu’une famille ce sont aussi des rivalités – s’étiole, les processus et les différences interindividuelles reprennent le dessus… Le "mouton noir" permet que l'agressivité des membres entre eux (qui ne peut se dire car elle risque de détruire le groupe) soit redirigée sur lui (et le groupe peut alors se maintenir).
Voici une bonne référence pour approfondir cette question : Leyens & Yzerbyt, Psychologie sociale, Mardaga.